Séminaire hybride « Enfants en situation de rue – Pratiques d’accompagnement au Bénin et au Sénégal »
Bruxelles, lundi 27 mai 2025. Dynamo International a organisé le séminaire hybride « Enfants en situation de rue – Pratiques d’accompagnement au Bénin et au Sénégal »
Dans le cadre de ses activités, Dynamo International a eu le plaisir d’accueillir deux travailleurs sociaux de rue béninois et une travailleuse sociale de rue sénégalaise pour un séjour professionnel en Belgique, en mai et juin. Cette visite, centrée sur l’échange de pratiques et le renforcement des compétences en travail social de rue, est organisée avec le soutien de Wallonie-Bruxelles International.
À travers trois témoignages de terrain, le séminaire a mis en lumière différents aspects du travail social de rue au Bénin et au Sénégal, ainsi que les réalités vécues par les travailleur·euse·s sociaux·ales et les enfants en situation de rue qu’ils·elles accompagnent. Il a notamment été question de l’importance de la collaboration entre acteur·rice·s, de la mutualisation des pratiques et de la création de synergies, des spécificités de la situation des filles, de la réinsertion familiale, de la sensibilisation des familles, de la stigmatisation que subissent les enfants et les professionnel·le·s, ainsi que du besoin de reconnaissance et d’accompagnement des structures par l’État.
Des témoignages engagés depuis le terrain
- Thiané Diakhaté (COSAED, Sénégal)
Thiané, présidente de l’association Ndeyou Daara, littéralement « mamans des talibés », a partagé son expérience de travailleuse sociale de rue dans la région de Tambacounda, au Sénégal. Ndeyou Daara regroupe des femmes engagées auprès des enfants talibés à travers un système de marrainage, mais aussi dans des actions de prévention, de promotion et de protection des filles vulnérables.
Ndeyou Daara fait partie du COSAED (Collectif des Structures d’appui aux Enfants et Jeunes en Difficulté), un regroupement d’une trentaine organisations sénégalaises qui œuvrent pour la protection des enfants et des jeunes en situation de vulnérabilité. Le COSAED fait lui-même partie du Réseau International des Travailleurs·euses Sociaux·ales de Rue de Dynamo International. A Tambacounda, le travail social de rue s’organise autour de maraudes pour repérer, orienter et accompagner les enfants en situation de rue. Thiané a exposé les défis rencontrés : pauvreté, violence, migration, négligence parentale, institutionnelle et communautaire.
Un des objectifs centraux des travailleurs·euses sociaux de rue (TSR) dans la région est de réduire le taux de mendicité des enfants. Cela passe par l’accueil dans les structures, la formation professionnelle des filles, la sensibilisation directe des familles et le soutien à la création d’activités génératrices de revenus.
Thiané a souligné la ténacité des équipes de terrain ainsi que l’importance d’une véritable synergie entre tou·te·s les acteur·rice·s impliqué·e·s. Au Sénégal, les services de l’Action Éducative en Milieu Ouvert (AEMO), rattachés à chaque tribunal régional ou départemental, jouent également un rôle important dans la protection de l’enfance. Une coordination étroite entre les différents acteurs, qu’ils relèvent de l’État ou de la société civile, est indispensable pour assurer une prise en charge efficace des enfants. Cette collaboration s’organise notamment à travers les Comités départementaux de protection de l’enfance, qui s’avère particulièrement efficace à Tambacounda.
- Malik Zoumarou (GRES-Bénin, Bénin)
Juriste de formation, Malik est engagé dans un collectif de TSR au Bénin, œuvrant pour les droits des enfants en situation d’exclusion. Son travail dans les villes de Cotonou, Abomey-Calavi et Allada lui a permis d’identifier trois profils d’enfants en situation de rue (ESDR) :
- Ceux qui errent le jour mais rentrent chez eux le soir ;
- Ceux qui refusent de retourner en famille ;
- Ceux qui sont nés et vivent dans la rue sans repères familiaux.
Chez GRES-Bénin, le travail repose principalement sur la prévention : présence quotidienne, création d’un lien de confiance, accompagnement individualisé. Malik a exprimé le manque de reconnaissance des TSR, tant par l’État que par la communauté. Le manque d’information alimente la stigmatisation et la marginalisation, tant des enfants en situation de rue que des professionnel·le·s, parfois accusé·e·s de contribuer au maintien de ce phénomène.
Il a présenté le projet CAPI, lancé en 2024, visant à garantir aux enfants et jeunes vulnérables l’accès à leurs droits et une insertion sociale, familiale et professionnelle harmonieuse. Ce projet, complémentaire au Programme DGD de Dynamo International, porte l’espoir d’une meilleure reconnaissance institutionnelle du métier de TSR au Bénin.
- Florent Agboessi (Terres Rouges, Bénin)
Depuis plus de 13 ans, Florent accompagne les jeunes en situation de rue à Cotonou avec Terres Rouges Bénin. Il intervient principalement sur le marché de Dantokpa, un espace public très fréquenté où de nombreux enfants en situation de rue sont visibles : exploité·e·s dans des petits boulots le jour, victimes de proxénétisme la nuit, en particulier les filles.
Le travail social de rue de Terres Rouges s’articule autour d’une équipe de prévention et de dispositifs de prise en charge : maraudes, centre résidentiel, formations professionnelles. Florent a insisté sur l’importance de la sensibilisation parentale et communautaire, avec des actions concrètes comme la création d’une « école de parents » pour aborder les droits et devoirs des enfants, les réalités de la rue, ou encore la contraception.
Il a également pointé le désengagement croissant de l’État béninois en matière de politiques sociales, et le faible financement des structures. Ce constat souligne une fois encore le rôle essentiel des réseaux d’acteur·rice·s de protection de l’enfance, qui permettent d’identifier les priorités, de mutualiser outils et pratiques, et de faire émerger des stratégies collectives.
Un séminaire ancré dans les droits de l’enfant
Ce séminaire s’inscrit dans le programme 2025 de la Plateforme Droits de l’Enfant dans la Coopération Internationale (PKIO), sous le thème « Leave No One Behind ». Ce principe, issu de l’Agenda 2030 pour le développement durable, appelle à ne laisser personne de côté dans les politiques de lutte contre la pauvreté, les discriminations et l’exclusion.
Il a été une occasion précieuse d’entendre les voix de trois professionnel·le·s engagé·e·s, de mieux comprendre les réalités vécues par les enfants des rues au Bénin et au Sénégal, et de réfléchir collectivement à des réponses concrètes et solidaires.