Drissia, 20 ans, sa réflexion sur les mesures liées à la pandémie de Covid-19

Lors de la conférence de presse qui a clôturé la semaine des activités du Forum International Digital des Travailleur·euses Sociaux·ales de Rue, WEB DE RUE, Drissia, jeune de 20 ans, nous a offert un témoignage sur sa réflexion par rapport aux mesures Covid-19 et sur ce qu’elle a vécu pendant les périodes de confinement et déconfinement.

Voici son témoignage :

Je m’appelle Drissia, j’ai 20 ans.
Je suis en 6ème année en technique au CEFA qui est une école en alternance. Je suis en option agent éducation. Du coup 2 jours et demi je suis à l’école et les autres 2 jours et demi je suis sur mon lieu de stage qui est dans des écoles primaire et maternelle.
Sur le côté, depuis quelques mois, j’ai intégré le club de rugby de Forest. Un sport qui me permet de me dépenser et relâcher la pression quotidienne.
Durant mes temps libres, donc le week-end, j’écris des textes, un peu tout ce qui me vient en tête. Et avec mes potes on les rappe et on enregistre au studio.
Voilà, tout ça c’est un petit peu l’actualité de ma vie, ou du moins, ça l’était.

 Le confinement et déconfinement sont deux grands mots.

 Je vais commencer par le confinement. J’ai tenu 2 fois 4 jours à la maison, le reste du temps j’étais dehors ou chez des potes.
Pourquoi ?
Parce que c’était invivable de rester chez soi à la maison sachant que l’appartement dans lequel je vis est petit.
Resté enfermé c’est compliqué, j’avais besoin d’air. Il n’y avait plus de sport. C’était fini les entraînements, aucun moyen de me dépenser correctement comme je le voudrais. 

Je n’avais pas non plus grand monde pour discuter quand ça n’allait pas. Parce que les personnes avec qui je parle sont des travailleurs sociaux d’une institution.
Soit ils ne pouvaient pas t’accueillir du tout, soit c’était un jeune à la fois. C’est bien beau de parler derrière un écran mais c’est pas la même chose qu’un face à face. On ne s’exprime pas de la même manière. 

De plus on n’avait plus école, on nous envoyait nos travaux par mail ou via le site de l’école qu’ils ont créé lors de cette crise sanitaire.
Et je peux confirmer que faire ça chez soi, c’est compliqué. Par exemple, moi, j’ai des grosses lacunes sur la compréhension à la lecture, je le reconnais, mais qui est derrière moi pour m’aider ? Personne. Ne serait-ce qu’envoyer un mail à son professeur pour reformuler sa question et en attendant son mail, tu vois le temps qui s’écoule.
Pour moi c’est une méthode d’apprentissage inadéquate.

Le confinement c’est priver la liberté de quelqu’un donc faut pas s’étonner que la population fait comme bon lui semble. Pendant toute cette période, je n’ai pas pu aller voir mes grands-parents et oui ça m’a fortement ennuyé parce que c’était dur de les contacter.
La technologie n’est pas évidente pour eux comme elle est pour nous.
C’est plein de petit truc comme ça qui ont fait que je ne l’ai pas respecté ce confinement, parce que c’est pas une vie.
Tous les jours des nouvelles restrictions, donc tous les jours on vient te priver de ton bout de bonheur que tu aimais tant faire.
Chaque fois faut se mettre à jour et être dégoûté chaque jour de ce qu’on nous annonce.
On peut faire de moins en moins de choses, de base si on le fait c’est que c’est vital. On en a besoin, un peu comme le sport. 

A cette période, je n’étais pas bien et je n’avais pas de ressources suffisantes pour m’aider, comme voir quelqu’un pour discuter, genre un psy.
Je n’avais pas forcément d’accompagnement pour mes démarches. 

Après le confinement vient le déconfinement, les deux sont déroutants.

 Je ne comprends pas la logique de notre pays et même des autres pays, tu sors d’une épidémie, pandémie, appelez ça comme vous le voulez, mais je veux bien que cette période puisse être compliqué pour tous et que les gens veulent reprendre leurs vies d’avant et voyager.
Même si c’est pour obtenir une immunité totale ou je ne sais quoi.
Et aussi refaire tourner l’économie. Mais pour moi c’est une décision que j’ai trouvé complètement stupide.
C’est comme recommencer une journée pareille que la veille, comme si de rien ne s’était passé et on peut continuer encore longtemps à ce petit jeu.

 Pour moi c’était reprendre un semblant de vie normale pendant seulement une période à courte durée. Puisque même pendant le déconfinement on n’a pas notre liberté, on nous prive quand même de nos besoins. 

On a pu reprendre le sport, aller boire des verres, manger au resto, aller au ciné, faire des activités, faire des camps. Reprendre ce qui nous rend bien, cette chose importante à vos yeux parce que ça vous remonte le moral quand vous n’êtes pas bien.
Même l’école est un besoin et un besoin réel parce que c’est notre avenir qui est en jeu.
Revivre tout ça sur une courte durée, c’est triste parce qu’on n’a de nouveau plus rien…
Et puis toute ces contraintes changent tout le temps.

Toutes ces règles, du genre chez toi tu peux pas avoir plus que telle personne à la maison.
Je prends mon exemple qui m’est propre.
Je travaille dans deux écoles primaires et maternelles, mes lieux de stage. Je fréquente je ne sais combien d’enfants, de collègues. Faire des remplacements dans d’autres écoles quand un collègue est malade.
En plus de ça, je suis scolarisée, donc je fréquente plusieurs personnes de mon école, les couloirs, les élèves, donc nous on fréquente pas mal de personnes en allant en cours. Puis il y a ceux qui font du sport, comme moi, qui vois mon équipe deux fois par semaine ou trois quand il y a match. Chaque jour je me déplace dans les transports en commun qui sont bondés, même les magasins.
Et à la maison pas plus de 3-4 personnes qui peuvent venir, pas plus de telle personne pour un mariage ou un enterrement, ou voir quelqu’un qui est gravement malade et à l’hôpital sachant qu’on ne sait pas combien de temps il lui reste.

Tout comme le couvre-feu, il n’a pas été prouvé que le virus se propage plus la nuit.
Je comprends que ce soit pour éviter tout rassemblement mais je pense qu’il existe des solutions plus vivables.
Tout en prenant compte que chaque personne à une situation de vie différente, chacun à son vécu et ses difficultés quotidiennes.
Il y a des personnes qui vivent dans des endroits insalubres, des personnes qui vivent dehors, des personnes qui vivent sous un toit parce que leur salaire leurs permettent à peine de se mettre à l’abri et, où ils vivent, faut pas s’imaginer quelque chose de grandiose.
Les conditions de vie sont importantes à prendre en compte parce que tout le monde finit par craquer.
Et parce que la santé mentale est aussi importante qu’une douleur physique ou autre.

Donc priver un être de ses besoins, c’est comme se laisser mourir.
Au moment où je me remettais plus ou moins bien, on me reprive de ce qui me motivait, ce qui me permettait de tenir pied.
J’ai l’impression de vivre dans un de ces films ou une série que l’on voit passer à la télé. 

Ma vie d’avant me manque, elle était moins belle du côté émotionnel mais au moins j’étais libre.
Maître de moi-même, de mes choix de vie, de mes envies, …
De tout.
Je faisais ce que j’avais envie.
Je parle pratiquement pas du port du masque parce qu’on sait tous qu’il est dérangeant et j’ai pas forcément envie de m’étaler dessus.
Ma vie et mes projets sont limite mis en pause.

Sachant qu’un reconfinement va sûrement avoir lieu parce que les décisions qui ont été prises auparavant, le fait de tout relancer d’un coup, n’ont pas fait que forcément nous aider à retrouver un mode de vie normal, à part à refaire tourner l’économie de notre pays.

Et on pourra continuer tout ça pendant encore longtemps tant que rien de concret n’est créé qui puisse être favorable à la facilité de vivre sa vie durant une période de crise comme celle-ci.
Quelque chose de sensé et d’équitable pour tous.

Et c’est tout pour moi.

Drissia