Echanges de pratiques en travail social de rue à Bruxelles et à Bucarest

Témoignages de travailleurs·euses sociaux·ales de rue belges à Bucarest et de roumain·es à Bruxelles. Quand l’immersion permet la rencontre de réalités de terrains inconnus ou différents et un véritable enrichissement mutuel pour renforcer nos pratiques professionnelles.
En novembre 2019, deux TSR roumaines, Elena Adam du Samu Social de Bucarest et Andreea Dina de Parada (cirque social) ont été accueillies sur plusieurs terrains de travailleurs.euses sociales de rue à Bruxelles.
Andreea nous livre des commentaires sur son expérience :
« Cette expérience aura un impact positif sur ma pratique professionnelle. J’ai pu appréhender la manière dont d’autres organisations travaillent avec les jeunes et j’ai compris le contexte et les facteurs complexes qui ont conduit à certains problèmes auxquels la communauté locale est confrontée. J’ai vu concrètement comment les activités professionnelles sont réalisées et j’ai acquis des compétences pédagogiques et de cirque pour le travail avec les enfants.
Le plus agréable fut de connaître des organisations et des personnes passionnées par leur métier et de rencontrer des bénéficiaires appartenant à différentes cultures et en particulier de jeunes migrants roumains

Ensuite en décembre 2019, Florine Baar de l’AMO La Boussole et César Richelle de l’AMO Dynamo ont été accueillis par des travailleurs.euses sociales de rue roumains à Bucarest.
Florine nous livre son témoignage :
« Et me voilà de retour de Bucarest en Roumanie. Je suis partie avec mon collègue César en tant que travailleuse sociale de rue à la rencontre des travailleur.euse.s et de leurs organisations qui luttent contre la précarité.
Ici à Bucarest, l’écart entre la richesse et la pauvreté est très grand. Nous avons rencontré un jeune roumain âgé de 14 ans qui nous a fait visiter les lieux où il a grandi. Il vit aujourd’hui dans un squat avec toute sa famille dans une seule pièce sans eau, ni toilette et parfois sans électricité. Nous avons été très bien accueillis. Il a grandi dans le quartier le plus pauvre de Bucarest. L’hiver pour se réchauffer il allait se réfugier dans les arrivées d’eaux de la ville (de gros tuyaux très chauds ou nous nous sommes assis avec lui). Je n’oublierai jamais le sourire de cet enfant et l’une de ses paroles qui m’a terriblement marquée « quand tu grandis ici, tu as peu de choix, tu deviens forcément quelqu’un de mauvais ». Le contexte de vie de ces personnes est tellement inhumain que tu finis par sombrer. Des enfants de rue, à peine nés sont déjà confrontés à un monde atroce. Pour survivre tu es prêt à tout.
Le soir nous avons continué notre tournée en camionnette où nous sommes allés déposer des vêtements, des affaires scolaires, de la nourriture, des médicaments chez des personnes vivant dans des conditions aberrantes, presque impossibles à décrire tellement c’est inimaginable. Nous avons marché dans les rues de Bucarest, une magnifique ville avec une architecture grandiose. Nous n’étions pas de simples touristes, nous sommes allés dans le cœur même d’une ville qui cache bien ses problématiques et un gouvernement qui exclut et nie les réalités.
Les 4 organisations que nous avons rencontrées sont financées par des riches américains, aucune n’est financée par le service public. Le gouvernement ne met presque rien comme argent dans le social. Les organisations manquent d’argent et de professionnels, ce qui fait qu’ils ont la possibilité de ne toucher qu’une petite partie du public cible.
Ce voyage était une expérience très enrichissante, qui me donne encore plus d’énergie pour lutter contre les inégalités et les injustices. Un métier qui te permet d’être en contact direct avec les gens, de comprendre leur réalité. Un voyage rempli de rencontres extraordinaires et de travailleur.euse.s qui consacrent leur vie pour aider les plus démunis, pendant que certains s’en mettent plein les poches.
Quand tu reviens d’un voyage aussi intense, tu te rends compte de l’impossibilité de ce système à satisfaire les besoins des gens et de l’urgence à le changer.
»
#onlacherien #bucarest #TSR
César nous parle de son expérience :
« Nous avons pu observer le travail de 4 associations, PARADA, ASIS, ARAS et le SAMU SOCIAL.
Je remercie Vali de ASIS, travailleur exceptionnel qui nous a bien accueilli ; Andreea et Ionut directeur de ARADA ; Christine de ARAS et Elena du SAMU SOCIAL.
Cette expérience est inoubliable et a un impact sur le plan personnel et professionnel. D’un point de vue professionnel, cela permet de mieux comprendre notre système politique, économique et social, lorsqu’’on peut le comparer à un autre pays, une autre réalité. Rencontrer des travailleurs si impliqués et dévoués m’a donné plein d’énergie et de motivation pour mon travail de rue ici à Bruxelles.
L’échange avec Parada qui travaille l’outil « cirque social » avec un groupe de jeunes. Nous avons pu assister à une de leurs représentations. A Dynamo, nous travaillons aussi avec l’outil cirque, et cette expérience m’a donné envie d’aller plus loin dans son utilisation. Les différentes associations travaillent avec un public ROM très marginalisé que nous avons pu rencontrer et cela m’a permis de mieux comprendre leur mode de vie, d’où ils viennent, et de réaliser que même en Roumanie, il est difficile de travailler avec ce public.
Ce qui fut le plus difficile … Voir cette pauvreté en face, une misère plus grande et plus intense qu’ici en Belgique, voir l’impossibilité d’un changement structurel profond et radical. Un travail dans l’urgence qui ne fait que mettre un pansement sur une jambe de bois. L’argent public n’est pas investi comme il le devrait dans le social selon moi.
Nous avons fait de très super belles rencontres. Les travailleurs ont pris le temps de nous expliquer leur travail, ce qui a enrichi notre expérience. Impatient de réitérer l’expérience sur un autre terrain et cela m’a donné envie d’accueillir comme il se doit des travailleurs d’autres pays
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