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Webinaire en français

L’insécurité sociale serait-elle inéluctable ? Comment mettre un terme à la précarisation et aux inégalités sociales accentuées par la crise covid-19 ?

Thématique spécifique du webinaire

Ce webinaire fut réalisé en partenariat entre Dynamo International – Street Workers Network et Bruxelles LaïqueFestival des Libertés dans le cadre de débats en ligne pour la campagne « Libertés et sécurités, faut-il choisir ? ».

Dans nos sociétés en crise perpétuelle et au discours toujours plus sécuritaire de nombreuses personnes vivent dans une insécurité faites d’incertitude sur l’avenir. La précarisation est devenue une condition d’existence pour de nombreuses personnes et traversent aujourd’hui différentes dimensions de la vie pour construire ce que Robert Castel appelait « l’insécurité sociale ». Personnes sans domicile fixe, chômeur·euse·s sous la menace permanente d’exclusion, familles monoparentales, étranger·ère·s sans papiers, jeunes ségrégués … de plus en plus de gens se trouvent en situation de précarité sans aucune sécurité sociale. Sans oublier les salarié·e·s précaires et travailleur·euse·s « uberisé·e·s » qui, bien qu’ayant un contrat ne bénéficient pas des protections sociales liés à l’emploi.

Nous interrogerons les discours politiques et médiatiques qui justifient cette précarisation ainsi que les modifications législatives qui fabriquent cette insécurité comme un fait social. Pourquoi l’objectif d’éradication de la pauvreté structurelle, annoncée par des instances internationales comme l’ONU, n’est-il pas atteint alors que la proportion des nanti·e·s augmente ?

Intervenants – constats et principales idées des interventions

Olivier de Schutter, Belgique, Rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les Droits Humains

Remise de deux rapports sur l’extrême pauvreté :

Impact de la crise Covid-19 sur la pauvreté : diagnostic sur l’efficacité des mesures de sécurité sociale prises par les états pour faire face à la crise.
Résultat : les états prennent des mesures avec une certaine efficacité mais seulement dans l’urgence de la crise. Il faudrait pérenniser ces mécanismes à long terme et dans le cadre d’une situation ordinaire.

Relance économique – éradiquer la pauvreté dans le respect des limites planétaires
Comment relancer l’économie tout en respectant les exigences de la transition écologique.
Résultat : dans le cadre de l’UE l’effort vers une relance plus verte est présent mais ce n’est pas le cas dans la grande majorité des pays du monde.

  • Le modèle de lutte contre la pauvreté appliquée par la plupart des états se base encore sur celui des trente glorieuses : croître l’économie pour distribuer plus de richesse. Or ce modèle se base sur un principe de croissance sans limites qui est irréaliste. Il faudrait aller vers un modèle de lutte contre la pauvreté qui passe par trois leviers principaux : une fiscalité progressive et des politiques sociales efficaces ; une économie inclusive, sociale et solidaire ;
  • Prise en compte de nouveaux modèles d’innovation sociales qui placent les personnes en difficulté en acteur de leur changement.

Céline Nieuwenhuys, Belgique, Secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux (FdSS) et membre du groupe d’expert·e·s pour les mesures de politiques sociales (GEES)

  • Difficultés à transmettre les recommandations de politiques sociales au gouvernement fédéral :
    • Plusieurs avis négatifs du gouvernement sur les mesures de sécurité sociale ex. pour une aide directe aux ménages en difficulté.
    • Manque de moyen financier pour assurer son rôle d’experte en comparaison des experts économique et santé.
    • Idéologisation et politisation du travail des expert·e·s ce qui entrave l’efficacité des mesures pour les personnes en situation de précarité.
  • Rendre visible l’invisible : la précarité n’est pas visible déjà dans une situation ordinaire et pendant le confinement cette situation était encore plus flagrante : la précarité est restée fortement cachée entre les murs des maisons. L’état et la société poussent les gens à avoir honte de leurs situations.
  • Avant le début de la crise la situation de précarité en Belgique était déjà très importante. En effet l’état était plus dans une politique d’actions d’urgence que de prévention. Avec la crise sanitaire la situation a beaucoup dégénéré par ex. des étudiant·e·s ont perdu leur job sans avoir pour autant droit à aucune aide financière. Par conséquent les familles sont contraintes de soutenir financièrement leurs enfants mais toutes n’ont pas les moyens de le faire. Ceci va creuser encore plus l’écart entre les jeunes qui peuvent être soutenus financièrement par leurs familles et ceux qui ne peuvent pas.

Maryse Bresson, France, sociologue spécialiste de la sociologie des précarités et de l’intervention sociale.

  • Pauvreté et précarité : deux concepts complémentaires qui mettent l’accent sur une spécificité particulière. La précarité et l’insécurité sociale se réfèrent au risque pour la personne de basculer dans l’exclusion sociale et dans des formes de pauvreté. La pauvreté se réfère à un manque important : de revenu, santé, éducation…
  • Le fait d’avoir un travail ne veut pas dire pour autant que la précarité disparait par ex. « travailleurs pauvres » dont le travail ne permet pas d’avoir des revenus suffisants qui permettent de sortir la personne de la pauvreté. C’est par conséquent un choix politique de lutter contre la pauvreté d’une manière efficace ou pas.
  • Les situations de pauvreté et précarité favorisent des formes diverses de criminalité et renforcent par conséquent le stigma lié à ces personnes. La réponse plus courante de la part des états pour faire face à cette criminalité, concentrée notamment dans les quartiers moins favorisés, est de type sécuritaire et répressive au lieu de s’inscrire dans une démarche de prévention et lutte contre la précarité en amont.